Aïe, je n’ai pas repris la plume sur ce blog depuis le 15 décembre 2014… Pourtant, dès mon premier article, je lançais, plein d’optimisme, que j’allais « essayer de l’alimenter régulièrement » (quoique, à bien y penser, deux fois par an, c’est régulier). Mais je dois avouer que mon petit cerveau, bombardé de tout ce brouhaha socialo-réseautique (qui n’a rien du doux gazouillis des petits oiseaux des garrigues environnantes) (même sur cette bonne vieille radio, on nous parle de qui a tweeté ci, qui a commenté ça, fuck!), mon cerveau disais-je, me chuchotait qu’il n’était peut-être pas si pressant de rajouter ma turlute à tout ce vacarme (j’allais dire ma goutte d’eau mais ça me fais trop penser à l’histoire du colibri: chuis pu capable de l’entendre, celle-là). Mais diantre, pour la sortie d’une nouvelle cuvée, il s’impose de rompre le silence (et puis mon petit égo trouve que je fais pas assez parler de moi – c’est drôle, ça, non, petit égo contre petit cerveau?).
Le vin, donc, c’est notre carignan 2014 (nom de code CA14). Issu des mêmes vignes que le CA13, il a été vendangé une semaine plus tôt, le 28 septembre plus exactement. Même si 2014 a été une année plutôt médiocre côté temps en Minervois, avec un été plutôt froid et humide mais sans vraies grosses averses pour alimenter les nappes phréatiques, nous avons réussi à obtenir une belle maturité et du joli raisin en triant celui qui avait été touché par l’oïdium et en laissant de côté les grapillons, trop verts à mon goût, surtout pour une vinif avec les rafles. Évidemment, la quantité de vin est à la baisse (1900 bouteilles ont été tirées des 90 ares du Trou de Merlac, contre 2500 pour le millésime 2013), mais le degré est en hausse; l’étiquette affiche un 14% vol. qui est très près de la vérité: 14,08% à l’analyse.
Le vin est toujours foulé en cuve avec grappes entières par les jolis petits pieds de la vigneronne. Par contre, en 2014, je me suis calmé sur les pigeages; deuxième millésime, un peu moins peur de voir le vin partir au vinaigre, la sagesse qui rentre, quoi… Le vin est donc un peu moins extrait que le premier. Le temps de cuvaison est toujours assez long, j’ai attendu la fin de la fermentation, et au-delà; nous avons décuvé quatre bonnes semaines après la vendange. Il me semble qu’on va mieux chercher le terroir, enfoui sous le fruit, loin dans les racines, de cette manière, qu’en faisant de la carbo rouge clair à la mode. Cela dit, je me régale aussi de ce genre de vins et heureusement, il y a tout une palette de façons de vinifier entre ces deux extrêmes (sans même parler d’élevage sous bois); de plus, y a que les cons qui ne changent pas d’idée, il n’est donc pas sûr que je ne m’y essaierai jamais… quand je pourrai faire plus d’une cuvée.
Et le résultat? Plus « prêt à boire » que le 2013, ce carignan 2014 est gorgé de petits fruits rouges et accompagnera avec justesse les viandes, plats de pâtes et les fromages et, pour les plus pressés, les plats de pâtes à la viande et au fromage. Blague à part, j’aime de ce vin la tension entre acidité (vive le carignan!), fruit (plutôt cerise, pour ma part) et les tanins juste assez serrés. Bref, j’en suis plutôt fier!
L’étiquette est le résultat de mes réflexions sur ce bout de papier (oui bon j’ai pas fait de thèse sur le sujet non plus). Déjà, je voulais éviter de faire appel à quelque marketo-communicant ou autre vendeur d’idées; ces pseudo-créatifs m’horripilent, et leurs « créations » dévoilent plus souvent la clientèle ciblée qu’elles ne reflètent la personnalité du vigneron (quand elles ne sont pas carrément « signées » tant la patte est reconnaissable). En plus, savoir que ces gens gagnent pas mal tous mieux leur vie avec l’emballage que celui qui s’échine à produire le contenu me donne une petite envie de vomir. J’ai pensé à l’étiquette blanche, épurée, genre Cyril Fhal pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres (mais choisi parce que c’est bien bon, ce qui sort de son Clos du Rouge Gorge), et j’y viendrai peut-être un jour, mais j’ai préféré conserver le modèle de l’étiquette précédente, afin de marquer une certaine continuité. Je voulais que l’étiquette parle du vin, de celui-là même qui est à l’intérieur de la bouteille. D’où l’idée de photographier ce vin, en transparence, en visant le soleil, ce soleil du Sud de la France qui (même lors d’un été pourri) fait grimper doucement le taux de sucre de ces exigeantes baies de carignan. (J’aurais peut-être dû faire des études en communication moi aussi, au lieu de me lancer dans cette galère!)
Voilà, je crois que tout est dit, le mieux reste à faire: déguster, ou même, ô scandale, boire, carrément (hou, ça c’est trash). Autour de 15-16 degrés c’est encore mieux, avec un bon carafage si quelque animal venait à passer à proximité de vos narines. Santé!
Antoine
P.-S.: Ce nouveau carignan est bien sûr sans ajout de sulfites ni de produits oenogiques d’aucune sorte.